DE NOS VIES AUX VÔTRES...

TEMOIGNAGE DE SABRINA, CO-FONDATRICE DE L'ASSOCIATION

1. Qui es-tu ?

Je m'appelle Sabrina, j'ai 40 ans et je suis maman de deux garçons âgés de 8 et 11 ans. Depuis plus de 15 ans, j'enseigne dans une école élémentaire à La Réunion.

 

2. Comment as-tu découvert la particularité de ton enfant ? 

Dès sa naissance, j'ai compris que Lenny était un enfant avec des ailes invisibles. 

Sacré instinct maternel ! 

C'était un bébé qui avait beaucoup de mal à s'alimenter que ce soit au sein ou au biberon. Au moment de la diversification alimentaire, les choses se sont compliquées. Lenny refusait de manger. Il pleurait, tournait la tête et quand par bonheur il acceptait de goûter à un aliment, il avait un réflexe nauséeux.

Manger ! Ce moment de plaisir était chez nous une source de stress, un cauchemar. Mon fils était dégoûté à la vue, l'odeur, le goût et au toucher de la nourriture. Pourquoi ?

Il était écoeuré par le brossage des dents. Pourquoi ?

Il hurlait lorsqu'on lui lavait le visage et qu'on lui faisait un shampoing. Pourquoi ?

Il stressait à l'idée d'avoir les mains sales. Pourquoi ?

Je savais que Lenny avait une particularité. Quel est son nom ? Comment aider mon fils ?

 

3. Peux-tu nous parler de ton parcours concernant les diagnostics ?

Bien évidemment, le diagnostic n'est pas tombé lors de mon premier rendez-vous chez le médecin ! 

Je me suis beaucoup inquiétée pour mon fils. J'ai vu plusieurs pédiatres, médecins traitants, psychologues, ORL... Tous ces rendez-vous, tous ces spécialistes et cette détresse grandissante dans les yeux de Lenny. J'ai vécu 3 ans de pleurs, 3 ans d'interrogations, 3 ans de portes qui se refermaient brutalement derrière nous...

Et puis un jour, j'ai décidé d'en parler autour de moi ! 

Une envie de crier au monde entier ma détresse, mon désespoir, ma colère... Sur les conseils d'une amie, j'ai pris rendez-vous chez une gastro-pédiatre.

Encore un porte qui allait se refermer derrière nous ! Et bien non, une minute après avoir consulté mon fils, le diagnostic est tombé "votre fils a le syndrôme de dysoralité sensorielle".

Ceux qui me connaissent savent que j'ai forcément fondu en larmes ! Non pas parce qu'on m'annonçait que mon fils avait un trouble sensoriel, mais parce que j'étais épuisée, les nerfs ont lâché, un sentiment étrange m'envahissait... Le monde ne s'écroulait pas sous mes pieds bien au contraire, j'étais soulagée ! J'avais raison, Lenny est bien né avec des ailes invisibles ! 

Suite à cette annonce, j'ai décidé de travailler à temps partiel pour m'occuper de mon fils. Pendant un an, tous les jeudis, Lenny avait rendez-vous chez une orthophoniste de l'autre côté de l'Ile pour stimuler et désensibiliser la zone buccale.

Je savais enfin contre qui je devais me battre... Un handicap invisible ! 

 

4. As-tu eu  des remarques désobligeantes de la part des professionnels ?  

Moi qui pensait trouver de l'aide auprès des professionnels de santé, je suis tombée des nues !

Avant que le diagnostic ne tombe, selon les pédiatres, j'étais la mauvaise mère qui ne donnait pas à manger à son fils ! Selon l'ORL, le problème c'était moi. Lenny n'avait rien, il faisait juste des caprices et il fallait le forcer à manger. Dans ma détresse, c'est ce que j'ai fait ! J'ai vécu ma pire soirée en tant que maman : forcer un enfant à manger ! Il pleurait, je pleurais...mais selon les professionnels, Lenny était un enfant capricieux et moi, j'étais une mauvaise mère ! Il fallait écouter les professionnels...

Selon les médecins traitants, Lenny n'allait pas se laisser mourir de faim. Je ne devais pas céder et ne pas lui donner de lait pendant plusieurs jours. Selon eux, à un moment Lenny finirait bien par manger ce que j'allais lui proposer. 

Malheureusement, un enfant né avec un trouble de l'oralité ne peut pas manger une compote "dégoutante", du riz "dégoutant", de la purée "dégoutante". Vious mangeriez une chose qui pue, qi est dégoutante au point de ne pas pouvoir la regarder et encore moins la toucher pour la mettre en bouche ?

Selon une directrice d'école, à la récréation, Lenny devait manger un fruit comme tous les autres enfants et en cas de malaise, oon aurait appelé les pompiers.

Selon le père d'une amie, médecin généraliste à la retraite, "il est plus facile de dire que le problème vient des parents, plutôt que d'avouer qu'on ne sait pas ce qu'à l'enfant..."

 

5. Comment gères-tu ce combat ?

Ce qui est compliqué, c'est de mener un combat alors que l'ennemi est invisible et très peu connu.

Comment ne pas baisser les bras ?

C'est simple, j'ai des amies en or ! Des amies qui voient le combat que je mène pour et avec Lenny. Des amies qui ont une sacrée ouverture d'esprit et qui ne m'ont jamais jugée. Elles ont toujours été là pour sécher mes larmes, que ce soit à la plage, au travail, lors de leur soirée d'anniversaire ou à 22h par messages ! Des amies qui voient les progrès de Lenny et qui m'aident à me relever quand j'ai envie de tout abandonner. Des amies qui s'inquiètent pour Lenny et qui lui demandent ce qu'il aimerait manger ! Des amies qui ne nous mettent pas de côté car Lenny est différent.

Et puis, il y a Lenny... Cet adorable papillon qui fait de son mieux pour s'envoler. Cet adorable petit caméléon qui prend sur lui pour ne pas déranger les gens.

Je me sens égoîste lorsque je dis "c'est compliqué d'avoir un enfant différent". Le combat c'est lui qui le mène depuis sa naissance et qui devra le mener toute sa vie ! 

 

6. Quels sont tes objectifs au travers de cette association,  les ailes invisibles ?

Avec des amies enseignantes, nous parlons souvent d'ouvrir une école alternative afon d'aider tous ces enfants différents qui, à cause de leur handicap invisible, n'entrent pas dans le fameux moule. D"lire d'un jour, manque de motivation, manque de temps... le projet n'a jamais vu le jour.

Et puis, un jour, Marie est arrivée chez moi avec cette idée folle de monter une association ! Ma réponse ne s'est pas faite attendre "Purée, on fonce ! J'ai tellement galéré qu'il faut qu'on partage notre expérience et qu'on aide d'autres familles".

Tout le monde n'a pas des amies en or, des collègues extraordinaires... Tout le monde n'a plus la force de continuer ce chemin semé d'embuches.

Les enfants différents ne font pas de caprices... Les handicaps invisibles existent et méritent d'être connus par le plus grand nombre afin de réduire la perte d'estime de soi.

 

7. Qu'est-ce qui te motive ?

Ma première source de motivation, c'est bien évidemment mon fils !  Oui, les repas sont encore une source de stress, oui il est différent mais, le voir rire, danser, s'amuser, c'est juste extraordinaire.

Ma deuxième source de motivation s'appelle Marie ! C'est une femme extraordinaire, inépuisable, pleine de ressources, capable de déplacer des montagnes...

8. Quels conseils donnerais- tu aux parents ?

Ne baissez jamais les bras ! 

Pleurez, hurlez, mais battez-vous ! 

Cela fait très mal de passer pour un mauvais parent mais faites confiance à votre super-pouvoir, votre instinct qui comprend bien plus de choses que les professionnels de santé...

 

9. Qu'est-ce que l'on peut te souhaiter ?

Que l'on puisse aider des dizaines, des centaines de familles ! 

Pour cela, aidez-nous à nous faire connaître en partageant ce site, notre page Facebook, en parlant de notre association autour de vous (à votre famille, aux parents d'élèves, à vos amis, aux enseignants...)

Rejoignez-nous !

Je souhaite également trouver des réponses à cette question toute bête : qui suis-je réellement ?

Plus je fais des recherches sur mon fils, plus je me découvre ! 

Toutes ces petites choses que je pensais "normales" ne le sont finalement pas...