TEMOIGNAGE DE MARIE-DOMINIQUE, PRESIDENTE DE L'ASSOCIATION
1. Qui es-tu ?
Je m'appelle Marie Dominique Singainy Moutien, j'ai 34 ans, je suis maman de Dorian 13 ans Rohan 10 ans Leia 8 ans et Guilhem 4 ans. Sur le plan professionnel j'ai longtemps travaillé pour l'administration française avant de décider récemment de me reconvertir afin de mettre mes connaissances au service de tous en devenant un trait d'union entre notre société et les besoins spécifiques des porteurs de handicaps invisibles. En dehors de ces casquettes de mère et de professionnelle, je suis aussi une conjointe, une créatrice indépendante.
2. Comment as-tu découvert la particularité de tes enfants ?
Dorian notre fils aîné ne parlait pas à l'âge de rentrer à l'école. Nous nous sommes alarmés et les médecins nous disaient toujours, tout va bien, votre fils préférera grimper aux arbres plutôt que de parler...mais notre angoisse ne faisait qu'augmenter devant si peu de sérieux du corps médical. Donc si sur le plan physiologique tout était bon, nous avons dû insister lourdement auprès d'une orthophoniste pour pouvoir avoir un bilan du langage. Évidemment ce bilan a confirmé le retard considérable de Dorian sur ce plan. Après plusieurs mois de rééducation orthophonique, l'orthophoniste nous a avoué son intuition que Dorian cache d'autres spécificités qu'elle n'arrivait pas à cerner. Direction l'institut marin à Palavas les Flots dans l'Hérault pour un bilan pluridisciplinaire. Après plusieurs jours de bilan, le verdict est tombé : dysphasie sévère touchant le versant expression et le versant compréhension. Cette pathologie se traduit par un manque de jonction entre le cerveau et la sphère ORL, donc vu que les connexions naturelles sont absentes, il reste à essayer d'en créer des similaires.
Rohan ravage depuis qu'il sait marcher. Son tempérament se développe bien, langage, relations sociales...
Nous avons vite vu que Rohan ne tenait pas en place, malgré toutes nos tentatives pour le canaliser. Nous avons pensé qu'en grandissant les choses s'apaisent mais pas du tout.
Et enfin Guilhem, presque 4 ans... En étant attentifs à son développement, nous avons vite constaté les mêmes difficultés que Dorian pour parler... La différence majeure tient du fait que Guilhem comprend tout ce qui lui est dit en un instant mais rien sur l'expression du langage.
3. Peux-tu nous parler de ton parcours concernant les diagnostics ?
Notre ténacité et notre instinct de parents nous ont permis de ne pas nous laisser abattre à chaque étape.
Certains diagnostics provoquent des doutes, des remises en question...
Le diagnostic initial de Dorian de dysphasie sévère a été élaboré par une équipe spécialisée dans les pathologies d'enfants et ont été humains autant que possible en nous rassurant et en nous déculpabilisant. Dorian continue l'orthophonie depuis ses trois ans ainsi que l'ergothérapie et la psychologie.
Pour Rohan, suite à l'inquiétude de sa maîtresse de CE1, nous avons commencé par vérifier si notre fils n'est pas un haut potentiel intellectuel (HPI) grâce à un test psychologique appelé WISC. Le résultat a montré que Rohan est un HPI hétérogène, ce qui signifie qu'il y a des domaines où il est excellent et en avance sur son âge et d'autres domaines notamment la gestion des émotions où il est en deçà. De là, nous avons été voir une orthophoniste qui nous confirmé qu'aucun trouble lié au langage n'avait émergé. Il nous a fallu quatre années entre le premier bilan et le diagnostic de TDAH troubles de l'attention avec hyperactivité posé par un neuropediatre il y a un an environ. Suite au choc de cette annonce, il nous a fallu quelques mois de plus pour accepter d'envisager un traitement médical à la demande de notre fils. Actuellement, le traitement est positif sans effet secondaire indésirable, il permet à Rohan de suivre sa scolarité dans de meilleures conditions, d'être gérable à la maison et en famille, de développer son potentiel intellectuel et il continue de s'épanouir dans le sport et la musique à côté. Pour lui, orthophoniste une fois par semaine, ergothérapeute et psychologue.
Enfin Guilhem, ayant l'expérience avec Dorian, nous avons pu être pris en charge par le réseau CAMSP géré par l'association St François d'Assise (ASFA) pour établir le diagnostic initial complet de dysphasie expressive. Donc suivi orthophoniste deux fois par semaine et on envisage un accompagnement humain dès le CP.
4. As-tu eu des remarques désobligeantes de la part des professionnels ?
Oui clairement ! Au début on te fait croire qu'il n'y a rien, que c'est la mère trop protectrice qui ressent les choses... Des réflexions genre "les troubles dys ne sont pas de vrais troubles" beaucoup de professionnels médicaux essaient de nous faire passer pour des fous juste pour ne pas assumer leur ignorance sur les troubles neuro-développementaux. Car ces handicaps invisibles sont nombreux et peu sont identifiés clairement et encore moins de professionnels sont sensibilisés à les identifier. Vraiment j'ai fait confiance à mon instinct et je n'ai rien lâché pour permettre à mes enfants de rêver et d'évoluer dans cette société qui rejette toute forme de différence.
5. Comment gères-tu ce combat ?
Sur le plan familial, je me tourne vers des professionnels qui sont au top avec nos enfants différents. La gestion brute est souvent compliquée car comme souvent les rdv doivent être pris en semaine et en journée... Donc ça implique inévitablement une diminution de ma disponibilité pour mes activités professionnelles car mes enfants et leur santé passe avant tout pour moi. Cet équilibre est le fruit de nombreux compromis qui sont loin d'être faciles
6. Quels sont tes objectifs au travers de cette association, les ailes invisibles ?
Cette association est notre combat pour que l'expérience acquise parfois dans la douleur et l'incompréhension du système puisse être apportée aux familles et aux jeunes afin de permettre à chacun de trouver sa place.
La formation professionnelle est un pilier énorme pour faire évoluer les mentalités de celles et ceux qui oeuvrent au quotidien avec nos enfants.
Et enfin et non des moindres, il nous paraît important que les mentalités changent pour davantage d'inclusion, c'est pourquoi nous comptons représenter les familles et les jeunes sur la scène politique et être partie prenante des réflexions et des stratégies pour aujourd'hui et demain.
7. Qu'est-ce qui te motive ?
Tout d'abord c'est mon altruisme : pourquoi ignorer la détresse des autres quand je peux apporter un peu d'aide et de réconfort ?
Enfin je suis persuadée que les mentalités et les sociétés évoluent non pas grâce à des politiques publiques qui oublient le pourquoi de leur existence mais grâce à des petits gestes comme notre association qui j'espère prendra de l'envergure et sera force de propositions concrètes et efficace dans un futur proche.
8. Quels conseils donnerais- tu aux parents ?
Faites-vous confiance ! La différence donc le handicap est une force et non pas une faiblesse ou une honte.
Soyez attentif à votre enfant, votre jeune...frappez à toutes les portes si nécessaire et trouvez des interlocuteurs de confiance.
Ne restez pas seul et ne laissez pas votre enfant seul... Le soutien, l'entraide seront autant de clefs pour l'épanouissement de votre enfant et le vôtre.
9. Qu'est-ce que l'on peut te souhaiter ?
Toujours de la bienveillance envers moi, envers les miens et envers ceux qui m'entourent.
Toujours l'envie de combattre les inégalités par la racine
Beaucoup de rencontres
Et enfin beaucoup de sourires témoignant d'un bien être en chacun de vous